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Contrôle de l’activité des salariés et RGPD : règles, limites et bonnes pratiques

by Ola Mohty - Experte en protection des données & Docteure en droit

Assurer la sécurité des données tout en respectant la vie privée des salariés est un équilibre délicat. Voici les règles à connaître pour mettre en place un contrôle efficace et conforme.


L’encadrement par le droit du travail

Le Code du Travail dispose que : 

« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » 1. 

Ce principe de respect de la vie privée des salariés doit donc guider l’employeur dans la mise en place des outils de contrôle. De fait, l’employeur a plusieurs obligations : 

  • Obligation de loyauté : L’article L. 1222-4 du Code du Travail dispose qu’aucune information concernant un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’aurait pas été porté à la connaissance de ce dernier. Par conséquent, l’existence de tels dispositifs doit obligatoirement être portée à la connaissance des salariés. 
  • Obligation d’information et de consultation des instances représentatives du personnel : L’article L. 2312-38 al. 3 du Code du Travail impose à l’employeur d’informer et de consulter le CSE préalablement à la mise en œuvre de tout dispositif permettant un contrôle de l’activité des salariés pendant le temps de travail. 

En outre, la Cour de cassation est allée plus loin que le Code du Travail dans un arrêt du 11 décembre 2019 2 en considérant que l’employeur doit informer et consulter le CSE quant à la mise en place du dispositif de contrôle des salariés quand bien même le contrôle n’en est pas la finalité première et exclusive. 

Pour rappel, le défaut de consultation du CSE fait encourir à l’employeur un risque de condamnation pénale pour délit d’entrave. 

L’encadrement par le RGPD

L’entrée en vigueur du RGPD est venue compléter les dispositions du Code du Travail et, de fait, apporter une protection supplémentaire à la vie privée des salariés. 

  • Article 30 du RGPD : le responsable de traitement (ici, l’employeur) doit tenir un registre des activités de traitement. Tout dispositif de contrôle impliquant un traitement de données personnelles des salariés doit apparaître dans ce registre 3. 
  • Article 35 du RGPD : obligation pour le responsable de traitement d’effectuer une analyse d’impact lorsqu’un traitement de données personnelles est susceptible « d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques » 4. 
  • La CNIL précise que cette analyse est nécessaire pour les traitements visant à surveiller de manière constante l’activité des employés concernés, considérés comme « vulnérables ». 

Par exemple, la mise en place d’un dispositif de vidéosurveillance nécessite une analyse d’impact préalable. 

  • Articles 12 et 13 du RGPD : obligation de transparence pour informer les salariés : 
  • Finalités poursuivies 
  • Base légale (ex. intérêt légitime de l’employeur) 
  • Identité du responsable de traitement 
  • Identité des destinataires des données 
  • Durée de conservation des données 
  • Droits d’opposition, d’accès et de rectification 
  • Possibilité d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle 

La marge de manœuvre de l’employeur dans la mise en place d’outils de contrôle

Plusieurs dispositifs peuvent être mis en œuvre par l’employeur afin de contrôler l’activité des salariés sur le lieu de travail. La CNIL et la jurisprudence en droit du travail ont précisé à plusieurs reprises cette marge de manœuvre. 

L’interdiction formelle d’outils de surveillance permanente

Même si l’employeur a le droit de contrôler l’activité des salariés, il lui est interdit de les placer en situation de surveillance permanente. La CNIL rappelle que certains dispositifs sont fortement intrusifs. 

Sont interdits : 

  • Surveillance constante via dispositifs vidéo, notamment en demandant aux salariés de garder leur caméra activée 
  • Utilisation de keyloggers pour enregistrer frappes et mouvements de souris 
  • Contrôle excessif des connexions internet 

L’utilisation d’internet à des fins personnelles doit rester raisonnable et ne concerner que des sites dont le contenu est légal. 

La Cour de cassation rappelle que les connexions personnelles abusives pendant le temps de travail peuvent constituer une faute grave, justifiant un licenciement. 

Pour la sécurité des données, un logiciel de filtrage peut restreindre la navigation et bloquer l’accès aux sites non autorisés. 

Le contrôle des e-mails

  • Les e-mails reçus sur la boîte mail professionnelle peuvent être consultés, sauf s’ils sont identifiés comme « personnels ». 
  • L’employeur ne peut accéder aux e-mails de la boîte électronique personnelle, même s’ils ont été rédigés sur l’ordinateur professionnel 5. 

Le recours à la vidéosurveillance

  • Doit respecter le Code du Travail et le RGPD 
  • Information claire aux salariés (affichage obligatoire)

Limitations :

  • Caméras limitées aux entrées/sorties, issues de secours, zones de stockage de biens de valeur 
  • Interdiction de filmer : postes de travail (sauf cas particuliers), zones de pause/repos, toilettes, locaux syndicaux 
  • Durée de conservation maximale : 1 mois

Conclusion

Le contrôle de l’activité des salariés est un levier légitime pour l’employeur, notamment afin de garantir la sécurité des données personnelles et la continuité de l’activité de l’entreprise. Toutefois, ce pouvoir de contrôle ne peut s’exercer sans limites. Le Code du Travail et le RGPD imposent un cadre strict, fondé sur les principes de proportionnalité, de transparence et de respect de la vie privée des salariés. 

La mise en place d’outils de contrôle doit ainsi répondre à un objectif clairement identifié, être justifiée par les risques encourus et s’accompagner d’une information complète des salariés et des instances représentatives du personnel. En conciliant exigences de sécurité et protection des droits fondamentaux, l’employeur s’inscrit dans une démarche de conformité durable et renforce la relation de confiance avec ses collaborateurs.

Sources

1 Art. L. 1121-1 du Code du Travail 

2 Cass. Soc, 11 décembre 2019 n°18-11.792 

3 Art.30 du RGPD par la CNIL 

4 Art.35 du RGPD par la CNIL 

Ola Mohty
Ola Mohty

Experte en protection des données & Docteure en droit

Passionnée par la protection de la vie privée et la sécurité des données, Ola aide depuis 2018 les entreprises à transformer la conformité en véritable levier de confiance. Forte de son expertise juridique approfondie en matière de protection des données personnelles, elle allie précision juridique et approche opérationnelle pour accompagner des organisations de toutes tailles. Sa mission : rendre la protection des données accessible, stratégique et porteuse de valeur.

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